Publié dans le magazine Books n° 96, avril 2019. Par Emmanuel Todd.
La majorité des Américains blancs diplômés de l’université ont voté pour Trump. C’est le signe du ralliement d’une partie des élites à un point de vue qui fait sens : il faut réinjecter dans la politique des valeurs autres que purement économiques. Et viser le bien-être de la société dans son ensemble.
Les membres de la classe supérieure française qui ne lisent en général de la presse américaine que
The New York Times et
The Washington Post (ce qui est sans doute déjà leur faire trop d’honneur) voient volontiers en Donald Trump le représentant le plus saillant d’une vague « populiste » abjecte. Il serait le porte-voix d’un peuple méprisable, non éduqué, qui fume, boit, pollue l’atmosphère avec ses pots d’échappement. Face à lui se dresseraient les classes moyennes ouvertes et civilisées.
Une telle conception des choses est fausse, bien entendu. Il suffisait d’examiner le vote en faveur de Trump, en 2016, pour s’en apercevoir : la majorité des Américains blancs diplômés de l’université ont voté pour lui (pas ceux qui sont allés au-delà de la licence, il est vrai, surtout s’ils étaient passés par les meilleures universités, inexpugnables citadelles du conformisme intellectuel, et donc du clintonisme). En vérité, le simple fait que Trump ait été élu montrait que le ralliement d’une partie des élites américaines à la nouvelle ligne...