Publié dans le magazine Books n° 96, avril 2019. Par Volker Weidermann.
Le Zéro et l’Infini fut un choc lors de sa parution en anglais en 1940. Arthur Koestler y dénonçait le régime stalinien alors que le monstre, pour les intellectuels européens de l’époque, se nommait Hitler. Le roman paraît pour la première fois dans sa version originale allemande. Un choc, de nouveau.
Ce n’était pas un homme. C’était une mitrailleuse. C’est ainsi que le décrivait un jeune collègue journaliste. C’était à la fin des années 1920, à Berlin, au sein du groupe de presse et d’édition Ullstein. Arthur Koestler, né en 1905 à Budapest, juif, élevé à Vienne, venait de passer quelques années en Palestine : il avait travaillé dans un kibboutz, milité en faveur d’un État juif, dormi sur la plage de Tel-Aviv et écrit ses premiers textes pour les journaux du groupe Ullstein. Il était rapide, arrogant, vif, pugnace, soupe au lait, curieux, utilisait ses textes comme des armes et pouvait changer d’opinion en un clin d’œil. À l’époque déjà. Et sa vie ne faisait que commencer.
Si nous nous penchons sur cette existence folle et aventureuse, c’est parce que le chef-d’œuvre de Koestler, le roman
Le Zéro et l'Infini, publié en décembre 1940 à Londres dans sa traduction anglaise, paraît pour la première fois dans sa version originale allemande. Cette bizarrerie éditoriale – concernant un best-seller mondial traduit en trente langues et classé huitième dans le palmarès des cent meilleurs romans de langue anglaise du...