Publié dans le magazine Books n° 96, avril 2019. Par Alex Traub.
Les nationalistes hindous au pouvoir en Inde procèdent à une vaste réécriture des manuels d’histoire. Au programme : exaltation de l’« hindouité », diabolisation des musulmans et dénigrement des valeurs démocratiques et laïques. Ils pourraient accélérer le mouvement s’ils remportent les législatives en mai.
Bataille de Haldighati (1576). D’après le manuel de cinquième où figure cette illustration, le roi hindou Maharana Pratap (à gauche) y a vaincu les musulmans. En fait, c’est l’inverse qui s’est produit.
Entre le XVI
e et le XVIII
e siècle, les empereurs moghols ont beaucoup contribué à la construction de l’Inde moderne. Ils ont fait du pays une entité politique souveraine, l’ont doté d’un système juridique et d’une administration, et ont érigé des monuments tel que le Taj Mahal. Les Moghols, qui étaient originaires d’Ouzbékistan, en sont venus à incarner l’apport des musulmans à l’histoire de l’Inde. On leur doit plusieurs des plats indiens les plus célèbres, comme le biryani, et ils ont inspiré les décors de certains des plus grands succès du cinéma de Bollywood, dont
Mughal-e-Azam (1960).
Dans le collège Saifee d’Udaipur, au Rajasthan, où je me suis rendu au printemps 2018, il m’a paru bizarre qu’une enseignante musulmane, Sana Khan, demande à sa classe de quatrième, composée exclusivement de musulmans, ce que les Moghols avaient légué de positif. Sana Khan enseigne dans un établissement anglophone dont les élèves sont des dawoodi bohras, une communauté de chiites ismaéliens établie en Inde pendant la période moghole, fuyant les persécutions dont elle é...