Doléances éclairées
Publié le 25 janvier 2019. Par La rédaction de Books.
Il est tentant d’établir un parallèle entre les cahiers de doléances de 1789 et ceux de 2019. D’autant que les questions fiscales y figurent en bonne place et que certaines revendications sont étrangement similaires. Mais seront-ils semblables dans l’esprit ? Dans Les cahiers de doléances, une relecture culturelle, l’historien Philippe Grateau souligne les accents optimistes et progressistes des revendications portées par le petit peuple des campagnes de 1789.
Ainsi, si la sécurité du pain est une doléance largement partagée, la revendication d’un certain confort, voire d’un certain luxe, pointe ça et là dans les cahiers. Laboureurs et lingères considèrent le tabac, l’alcool ou le café comme des plaisirs indispensables. Des familles réclament le droit de se chausser de cuir. Le petit peuple conçoit son avenir sur un plan matériel, loin de l’abstraction des idées défendues par les élites ou les philosophes, note Grateau. Pour autant il n’est pas indifférent à l’esprit des Lumières.
Il adopte les grandes notions de liberté ou d’égalité qu’il présente à travers des revendications concrètes et quotidiennes. Les paysans réclament ainsi la possibilité de choisir le moulin où faire moudre leur grain. Ils manifestent alors leur désir de s’affranchir du système seigneurial. Ils demandent la liberté sans utiliser ce mot. De même, ils n’écrivent pas le mot « égalité » quand ils revendiquent le même droit à la santé que celui dont jouissent les citadins. Ils demandent simplement à ce que des médecins et sage-femmes compétents s’installent dans leur village. Le petit peuple n’est pas fataliste. Il sait que l’amélioration de ses conditions de vie n’est pas hors de portée. En plus d’un médecin, il aimerait d’ailleurs un instituteur. Dans les cahiers de doléances qu’il étudie, Grateau remarque que certaines communautés, notamment dans les catégories les plus élevées (laboureurs, vignerons), réclament l’instauration d’un vrai apprentissage de la lecture et de l’écriture dans un but utilitaire, afin d’offrir à leurs enfants de plus vastes débouchés.
À lire aussi dans Books : La révolution et ses pauvres, juillet-août 2012.