Quand l’art était olympique
Jack B. Yeats (1871-1957), 'The Liffey Swim', 1923. © National Gallery of Ireland.
Aux Jeux olympiques d’hiver, des skieurs, patineurs et autres lugeurs se sont affrontés cette dernière quinzaine en Corée du Sud. Au début du siècle, ils auraient été rejoints par des peintres, des musiciens, des écrivains et des sculpteurs. Entre 1912 et 1948, les arts étaient des disciplines olympiques presque comme les autres, relève l’historien Richard Stanton dans The Forgotten Olympic Art Competitions.
Pour Pierre de Coubertin, les Jeux olympiques ne pouvaient être complets sans la présence des arts. Il voulait allier le corps et l’esprit dans la tradition des jeux grecs. Les premières olympiades ne lui permettent pas de réaliser cette ambition. Mais dès 1912 aux Jeux de Stockholm se tient le « pentathlon des muses ». Architectes, musiciens, peintres, sculpteurs et écrivains sont appelés à soumettre au jury des œuvres sur le thème du sport. Les artistes, y compris les plus en vus, n’étaient pas enthousiastes. La thématique ne leur plaisait pas et certains voyaient dans l’idée même d’une compétition la contradiction de l’art. Trente-trois participèrent finalement et une médaille d’or fut attribuée dans chacune des disciplines. En littérature, L’Ode au sport gagnante est de la plume de Pierre de Coubertin lui-même, qu’il avait cependant soumise sous pseudonyme.
Au fil des olympiades, le format de la compétition ne cesse de varier, et le jury a parfois été si déçu des prestations des artistes qu’il n’a pas décerné de médaille d’or. Le public lui semblait apprécier. Aux Jeux de 1932, près de 400 000 personnes se sont rendues au Musée d’histoire, de sciences et d’art de Los Angeles pour découvrir les œuvres en lice.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’Américain Avery Brundage, fervent défenseur de la compétition amateur, prend les rênes du Comité international olympique. Il est convaincu que les artistes, puisqu’ils vendent leurs œuvres et peuvent utiliser les Jeux pour les promouvoir, ne correspondent pas à l’idéal olympique. Aux Jeux d’Helsinki en 1952, le « pentathlon des muses » est remplacé par une exposition. Et les 151 médailles décernées jusqu’alors dans les disciplines artistiques sont effacées du décompte des récompenses.
A lire dans Books : Ils ont couru pour Hitler, janvier/février 2017.