L’allègement de la dette, moteur de la Révolution
Publié le 23 mai 2017. Par La rédaction de Books.
Femmes de la halle sous la Révolution, Baron/ Massard
De nouvelles négociations autour de l’allègement de la dette grecque ont échoué lundi 22 mai. Une partie des créanciers et des officiels européens tiennent à ce que le pays honore son passif, une position conservatrice assez proche de celles du roi et de l’aristocratie lors de la Révolution française, note l’historienne Rebecca Spang. Dans Stuff and Money in the Time of the French Revolution, elle souligne que contrairement à l’image attachée à la gestion de Louis XVI, si la monarchie française était bien dangereusement endettée, cela n’a rien d’exceptionnel. Toute la société française vit d’ailleurs à crédit. La politisation de la question de la dette, elle, est la nouveauté de cette fin de XVIIIe siècle.
Louis XVI souhaite taxer les riches pour éviter la banqueroute. Ceux-ci refusent et trouvent dans le concept en vogue « pas de taxe sans représentation » un argument pour se défendre. Ils ne paieront que s’ils ont voix au chapitre. Les nobles se présentent en avant-garde de la résistance face à un roi qu’ils accusent de despotisme. Leur campagne leur permet de sauvegarder leurs privilèges, temporairement. Car celle-ci se retourne contre eux.
Quand Louis XVI, contraint et forcé, convoque les Etats-Généraux, d’autres se présentent à leur tour en défenseurs du bien commun. Eux ont cependant un agenda politique. Mais comme le roi, la toute nouvelle Assemblée nationale refuse de déclarer l’Etat en faillite. Elle garantit le remboursement de sa dette sur les biens de l’Eglise nouvellement nationalisés. C’est la création des assignats.
Toute cette agitation a mis à mal le système de crédit qui permettait aux Français de vivre au quotidien. Comme le rappelle judicieusement Spang, une créance repose sur la confiance en l’avenir. En pleine période de changements politiques, de moins en moins de Français acceptent de faire crédit, et de plus en plus réclament de l’argent liquide. Or l’économie du pays n’est pas équipée pour un tel bouleversement. L’argent manque. L’Assemblée nationale décide de transformer les assignats en monnaie. Mais la confiance dans ces papiers vite contrefaits est fluctuante. Au lieu d’apaiser l’anxiété économique, ils l’enflamment. Face à l’agitation dans les rues, le pouvoir poursuit ses divisions et durcit le ton. La radicalisation n’était pas inhérente à l’idéologie des révolutionnaires, soutient Spang, elle est une réaction aux difficultés financières du pays.
Lire aussi : La révolution et ses pauvres, Books, été 2012.