Publié dans le magazine Books n° 81, janvier / février 2017. Par Baptiste Touverey.
Le capitalisme bénéficie-t-il vraiment à tous ou seulement à la classe des possédants ? La question soulevée par Marx se pose avec une acuité renouvelée aujourd’hui, mais dans un contexte différent. Après la parenthèse de l’État-providence, nous assistons depuis les années 1970 à une révolte du capital, que la mondialisation favorise.
Que pouvons-nous encore apprendre de Karl Marx ?
D’abord que notre société est une société historique, qui s’inscrit dans un flux d’événements. Et ensuite que ce flux d’événements s’ordonne de façon structurelle, que l’évolution de la société obéit donc à une logique qu’il nous faut comprendre pour pouvoir interpréter ce qui se passe. Cette logique est difficile à reconstruire, mais elle dynamise de façon extraordinaire la théorie et l’expérience historique.
Vous admettrez que le capitalisme actuel est très différent du capitalisme au temps de Marx ?
Je ne le dirais pas de façon aussi catégorique. Pour Marx, le capitalisme est la forme prise par la société moderne, dont le développement repose sur l’accumulation infinie de capital dans le secteur privé.
Il est lié à une idéologie du progrès qui remonte au XVIIIe siècle et à la conviction, formulée par Adam Smith, que ce processus profite non seulement aux détendeurs de capitaux, mais à la société dans son ensemble, par la vertu intrinsèque du marché. La logique...