Les hommes politiques et l’art de l’excuse
Publié le 29 juin 2016. Par la rédaction de Books.
Il est désolé et il regrette. Dans un discours prononcé en marge du Conseil européen, David Cameron a voulu faire amende honorable. Car la présentation d’excuses est désormais un incontournable de la carrière d’un homme public.
Selon le linguiste Edwin Battistella, la demande de pardon politique doit, pour porter, répondre à la fois à des exigences éthiques – admettre une faute morale et exprimer ses regrets – et sociales – faire amende honorable auprès des personnes offensées. Le choix des mots est donc essentiel, précise-t-il dans Sorry About That.
Les termes « regret » et « désolé » sont ainsi moins forts qu’« excuse ». Ils traduisent une émotion, mais sans reconnaissance de responsabilité. D’une manière générale, la précision du discours est gage de sincérité, souligne Battistella. Des formules passives, telles que « des erreurs ont été commises », sont des caricatures du genre. « Je m’excuse pour la conduite qu’on m’a prêté et je demande pardon » est l’un des contre-exemples indépassables en matière d’acte de contrition, selon le linguiste. Cette phrase a été prononcée par le sénateur américain Bob Packwood, accusé de harcèlement sexuel au début des années 1990. Refuser de nommer l’action incriminée ou la soumettre à l’usage du conditionnel, « je vous prie de m’excuser si j’ai… », sont des grands classiques. De même que finasser en s’excusant pour une petite partie de l’action incriminée sans rien dire de la faute principale. Les plus doués pour s’excuser sans vraiment le faire réussissent même à transformer cet acte de contrition en campagne d’auto-promotion. L’ancien Secrétaire américain à la Défense, Robert McNamara, s’est ainsi excusé pour son rôle pendant la guerre du Vietnam en disant : « Je suis très fier de ce que j’ai accompli, et je suis très désolé d’avoir fait des erreurs en entreprenant ces actions. »