Publié dans le magazine Books n° 78, juillet-août 2016. Par Matthias Schulz.
Pendant toute l’Antiquité ou presque, les Grecs ont écumé les mers, multipliant massacres, pillages et enlèvements. Il était d’ailleurs difficile de distinguer le navigateur honorable du voyou tant la frontière était floue entre commerce et piraterie. Profitant de l’instabilité politique, certains flibustiers ont acquis une richesse et une puissance colossales, voire fondé de véritables États.
Alors que le jeune Jules César, en l’an 75 avant notre ère, se rendait à Rhodes pour y suivre des cours de rhétorique, son voyage fut brutalement interrompu non loin de Milet
[ancienne cité ionienne, située sur la côte sud-ouest de l’actuelle Turquie]. Des criminels s’emparèrent de son navire et exigèrent une rançon de 50 talents d’argent (à peu près 1,3 tonne). Il fallut trente-huit jours pour acheminer la somme. En attendant, le prisonnier s’occupa en faisant de la gymnastique et en composant des poèmes. (1)
Cet incident dans la vie de l’illustre Romain met en lumière un corps de métier qui, dans l’Antiquité déjà, passait pour « le fléau de l’humanité ». Des milliers de bâtiments, chargés de soie, d’œufs d’autruche, de barres d’étain ou de bois d’ébène sillonnaient alors la Méditerranée. Les flibustiers de l’Antiquité convoitaient ces biens de luxe. Depuis des criques inaccessibles, ils surveillaient le commerce maritime. Les sources les plus anciennes – des tablettes d’argile exhumées en Égypte – parlent d’« hommes de Lukki » (au sud-ouest de la Turquie) qui,...