Publié dans le magazine Books n° 77, juin 2016. Par Claudia Wüstenhagen.
Ils peuvent exprimer des abstractions, mais aussi manipuler l’opinion… Quand leur usage est métaphorique, les mots deviennent des instruments de pouvoir. Parler de « réfugiés fiscaux » pour décrire les riches qui se dérobent à l’impôt mais de « raz de marée » à propos des véritables réfugiés, cela n’a rien d’anodin.
L’ennemi n’avait pas de visage. C’était un fantôme qui tuait par traîtrise. Le médecin Robert Koch fut le premier à le reconnaître : l’humanité était en guerre. Cet ennemi, c’était l’armée des bactéries, les agents pathogènes de la maladie du charbon, de la tuberculose et du choléra. On ne pouvait pas les voir. Mais Koch fit en sorte que la menace saute désormais aux yeux de tout le monde. Il parla d’« intrus », mit en garde contre les « invasions » et appela à une « offensive » au moyen d’« armes » puissantes. Du point de vue sémantique, le fondateur de la bactériologie n’évoluait pas dans un laboratoire, mais sur un champ de bataille.
Aujourd’hui, il est courant de comparer les maladies infectieuses à des combattants ennemis. Mais, à l’époque de Robert Koch, cette métaphore était inhabituelle. Et, comme la suite le montra, elle se révéla extrêmement efficace.
L’historienne et philosophe suisse Marianne Hänseler a enquêté sur le langage utilisé par le médecin. Koch recourait à des images guerrières afin d’obtenir des soutiens pour son tout nouveau champ de recherche. « ...