Rien que la douleur

La femme du poète suédois Tom Malmquist était enceinte de huit mois lorsque lui fut diagnostiquée une leucémie aiguë. Elle est morte au bout de quelques jours, après avoir donné naissance à une petite fille. Quatre mois plus tard, Malmquist perdait son père, atteint lui aussi d’un cancer. Ce double deuil, l’auteur le raconte dans un livre à l’âpreté assumée. « À chaque instant nous sommes toujours en vie » s’ouvre sur une description clinique des situations et des lieux : les premiers symptômes, la froideur de l’hôpital, le jargon médical, les banalités que l’on prononce malgré soi. Malmquist écrit comme on photographierait une scène de guerre : avec précision, mais en retenant toutes ses émotions. Le résultat est pour le Dagens Nyheter l’exact opposé des récits de deuil d’une Joyce Carol Oates ou d’une Joan Didion. Dans J’ai réussi à rester en vie (Philippe Rey, 2011) et L’Année de la pensée magique (Grasset, 2007), chacune de ces auteures américaines avait analysé ses réactions plus ou moins rationnelles face à la mort d’un mari : les rituels, l’idée délirante mais rassurante que l’autre est toujours là ou qu’il va revenir. Chez Malmquist, nulle pensée magique ou consolatrice. L’auteur ne livre « aucune maxime sur le deuil et la perte ». Il raconte le choc et l’hébétude « de manière frénétique et même brutale, laissant le lecteur accablé par ses propres émotions ».
LE LIVRE
LE LIVRE

À chaque instant nous sommes toujours en vie de Tom Malmquist, Natur & Kultur, 2015

ARTICLE ISSU DU N°76

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