Publié dans le magazine Books n° 76, mai 2016. Par David Goldfischer.
Rien de tel, pour comprendre les incohérences du comportement de l’Arabie saoudite sur la scène internationale, que de relire le roman de Stevenson sur un cas de double personnalité. Comme le Dr Jekyll, l’aimable Dr Saoud cède à ses pires pulsions criminelles sous l’emprise de sa part sombre. L’abominable Mr Djihad est aujourd’hui en passe de s’emparer totalement de lui, le menant – et nous tous avec – à sa perte. Que faire ?
Au moment où les États-Unis se préparaient à la guerre, en réponse aux attentats du 11-Septembre, le regretté spécialiste Fouad Ajami avait énoncé cet avertissement visionnaire : « Nous allons voir de nombreux caméléons doués pour se poser en amis de l’Amérique, mais du genre à n’être jamais là quand on a besoin d’eux. » L’absence de Riyad dans la guerre contre l’État islamique semble la dernière manifestation en date de cet agaçant défaut. Mais décrire la famille royale saoudienne comme un ramassis de caméléons ne suffit pas à expliquer pourquoi son comportement est si difficile à saisir. Le célèbre roman de Robert Louis Stevenson sur un dédoublement de personnalité,
L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, nous offre une métaphore plus pertinente.
Dans l’œuvre de Stevenson, le Dr Jekyll est écartelé entre son tempérament bienveillant et l’envie irrésistible de faire le mal, problème qu’il tente de résoudre grâce à une drogue capable de le transformer à volonté en cet être sanguinaire qu’est Mr Hyde – puis de lui faire recouvrer sa personnalité. Malheureusement,...