Publié dans le magazine Books n° 75, avril 2016. Par Martin Doerry et Klaus Wiegrefe.
Après soixante-dix ans d’interdiction, Mein Kampf est à nouveau en vente en Allemagne. Cette édition savante, lestée de 3 500 notes et commentaires, est un document de premier ordre pour comprendre l’histoire du désastre nazi. Les sources du livre sont explorées, les mensonges débusqués. Surtout, le contenu réel de cet ouvrage monstrueux est mis en évidence. Au-delà du délire antijuif, c’est une bonne partie du programme du IIIe Reich qui est annoncée.
Ce maudit bouquin ! Ludwig Spaenle, ministre bavarois de l’Éducation, des Cultes, des Sciences et des Arts, saisit la bouteille de Tabasco, s’en verse une bonne dose dans le verre de jus de légumes posé devant lui et en boit une longue gorgée.
Dès le départ, il a soutenu le projet d’une édition savante. Le Parlement régional a même accordé 500 000 euros à l’Institut d’histoire contemporaine de Munich. Mais ensuite il s’est rendu en Israël, en 2012, avec le ministre-président de Bavière. Après quoi les autorités de Bavière ont changé d’avis.
Ludwig Spaenle se reverse à boire. Longue gorgée. Ce qui s’est passé à Jérusalem ? Eh bien, des rencontres avec les associations de victimes, avec les ministres israéliens, de nombreuses discussions. Et là, ils s’en sont rendu compte : ça n’allait pas du tout. Une nouvelle édition de
Mein Kampf avec sur la couverture les armoiries de l’État de Bavière ? Dans l’État hébreu, personne ne l’aurait compris.
Spaenle reste un instant silencieux dans son gigantesque bureau. Le ministre trône sur son canapé en bras...