Publié dans le magazine Books n° 72, janvier 2016.
Il fréquentait les filles faciles mais s’éprenait aussi de certaines d’entre elles, ce que ses amis ne comprenaient guère.
En comparaison de son existence jusqu’alors si conformiste, c’étaient là des excès auxquels il ne tarda pas à se livrer, même seul. Qu’il soit resté un simple spectateur est bien entendu une légende, car, dans ces endroits, personne ne restait sobre et il ne pouvait pas complètement se dérober à l’orgie de champagne. Dans ce monde interlope, le champagne servait pour ainsi dire de monnaie et lorsqu’un jour Kafka, peut-être déjà un peu éméché, mit par écrit un pari selon lequel il serait encore célibataire dans dix ans, l’enjeu n’était pas autre chose que des bouteilles du champagne le plus cher – que dix ans plus tard il aurait pu réclamer. On peut se figurer sans trop de mal les commentaires qu’inspirait à sa mère ce comportement, elle qui le voyait au petit matin changer fébrilement d’habits, car une tenue imprégnée des effluves du tabac et de l’alcool, dans le bureau aseptisé des Assicurazioni Generali
[son premier emploi], n’aurait pas manqué de lui attirer une réprimande.
Ces nuits épuisantes ne le rendaient certainement pas heureux car...