Publié dans le magazine Books n° 72, janvier 2016. Par Scott Atran.
L’Hexagone a tout pour séduire les djihadistes : sa participation à la chute du Califat ottoman en 1924, une vaste population musulmane déclassée héritée d’un lourd passé colonial, une laïcité débridée, un tempérament va-t-en-guerre… Une belle pièce dans la stratégie mondiale de Daech.
Le choc suscité par la série d’attentats coordonnés à Paris le vendredi 13 novembre – le bain de sang et la terreur dans les rues, l’indignation de la population contre l’extrémisme islamique, François Hollande jurant d’être « impitoyable » dans la lutte contre les « barbares de l’État islamique » – est hélas précisément ce sur quoi Daech comptait. Car plus vive sera l’hostilité envers les musulmans en Europe, plus forte sera l’implication de l’Occident dans l’action militaire au Moyen-Orient, et plus Daech s’approchera de son but : créer et gérer le chaos.
C’est une stratégie qui lui a permis de mettre en déroute des forces internationales qui lui sont bien supérieures, tout en renforçant sa légitimité aux yeux de ses partisans. La complexité des attentats de Paris indique aussi avec quel succès Daech a cultivé sa base de soutien au sein de la population indigène des pays occidentaux laïcs. Attaquer Daech en Syrie ne suffira pas pour maîtriser ce mouvement planétaire, qui inclut désormais plus de 2 000 citoyens français.
Comme l’ont montré nos propres recherches – lors...