Publié dans le magazine Books n° 71, décembre 2015. Par Emily Gowers.
Déclarations d’amour, slogans électoraux, insultes… Les innombrables graffitis de Pompéi nous font entendre comme peu d’autres documents archéologiques l’étonnante vox populi romaine. Ils révèlent ce faisant la gouaille de cette société impertinente. Mais pas seulement. Car le peuple de Rome connaissait ses classiques…
Quand Pompéi fut redécouvert, au XVIIIe siècle, nul ne s’intéressa beaucoup au foisonnement de graffitis incrustés dans ses murs. Les responsables des fouilles étaient trop occupés à emporter de volumineuses œuvres d’art à l’esthétique réjouissante, qu’ils offraient en trophées aux rois Bourbon. Il fallut donc attendre le milieu du XIXe siècle et l’archéologie « romantique » pour qu’un directeur de musée ouvert d’esprit, Francesco Maria Avellino, ait la bonne idée de commencer à conserver ces vestiges moins prestigieux, mais fragiles. Des milliers d’entre eux subsistent encore, parfois
in situ, parfois détachés avec leur plâtre d’origine. Chateaubriand et l’évêque Wordsworth firent aussi partie des enthousiastes de la première heure. Tous deux ont su voir le charme « primitif » de ces gribouillages insignifiants en apparence mais qui sauvaient du néant les opinions tapageuses, et parfois inconvenantes, d’habitants réduits au silence de façon spectaculaire : les vicissitudes de l’école (« Si Cicéron t’ennuie, tu recevras le fouet »), les affres de l’amour (« Rufus aime Cornélia »), les menaces (« Gare à celui qui chie ici »), les...