Publié dans le magazine Books n° 70, novembre 2015. Par Martin Filler.
Depuis quelques années, des gratte-ciel filiformes ont fait leur apparition au sud de Central Park, rompant la légendaire skyline de Manhattan. Derrière l’ascension vertigineuse des tours et des prix, une clientèle internationale richissime qui place ses millions en achetant comptant, et souvent en liquide, des appartements somptueux. Pour répondre à cette demande, les promoteurs multiplient les projets démesurés, mais esthétiquement décevants.
Depuis la période prérévolutionnaire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, tous les locataires new-yorkais étaient prévenus le 1er février (surnommé
Rent Day), trois mois à l’avance, de l’augmentation annuelle du loyer. Ils étaient alors nombreux à se mettre en quête d’un logement meilleur marché : le jour où tous les baux expiraient, le 1er mai (
Moving Day), la ville était le théâtre d’une migration de masse au cours de laquelle un million de résidents pouvaient changer de domicile. Depuis quelque temps, la plus grande métropole des États-Unis connaît un autre type d’effervescence immobilière, plus circonscrite : ses manifestations les plus visibles concernent les personnes les plus riches de la planète.
Un seuil anticipé de longue date a été franchi en décembre 2014 quand un duplex avec terrasse, situé au dernier étage du nouvel immeuble One57, s’est vendu pour la somme sans précédent de 100 471 452,77 dollars. En 2014, sept autres appartements situés dans le même gratte-ciel – conçu par l’architecte français Christian de Portzamparc sur la 57e Rue ouest de Manhattan, entre les 6e et 7e Avenues, et construit par...