Publié dans le magazine Books n° 69, octobre 2015.
Pour le critique littéraire Sainte-Beuve, on ne peut vraiment comprendre un écrivain sans s’intéresser à sa vie. Ses Cahiers dévoilent une personnalité caustique et pessimiste.
De Sainte-Beuve, la postérité a retenu surtout la méthode critique : « ne pas séparer l’homme
[l’écrivain] de l’œuvre » ; et se poser à son propos « un certain nombre de questions : Que pensait-t-il de la religion ?... Comment se comportait-t-il sur l’article des femmes, de l’argent ? Quel était son vice ou son faible ? » Autrement dit, le critique doit emprunter les lunettes du biographe.
Un postulat que la postérité dénoncera vigoureusement. Proust protestera que Sainte-Beuve ne semble pas avoir compris « ce qu’il y a de particulier dans l’inspiration et le travail littéraire, [ni] ce qui le différencie entièrement des occupations des autres hommes et des autres occupations de l’écrivain » ; et il signalera cruellement les colossaux « ratages » de Sainte-Beuve, notamment Stendhal (« ses romans sont franchement détestables »), et Baudelaire, auquel il ne consacrera pas une seule vraie critique. Roland Barthes enfoncera encore le clou : pour lui « l’auteur est mort », et sa vie matérielle n’est qu’un épiphénomène.
Mais le public moderne, quant à lui, est bien plus sur la ligne Sainte-Beuve, à en juger par le succès continu des biographies littéraires. Par exemple, le...