Le jeu vidéo, le plaisir de l’échec
Publié le 16 juin 2015. Par la rédaction de Books.
L’E3, le salon international du jeu vidéo, déverse cette semaine son avalanche de nouveautés. Des jeux toujours plus beaux et toujours plus difficiles. Le but est, pour les concepteurs, de trouver la bonne dose de complexité, pour entraver suffisamment la progression du joueur. Très facile, le jeu n’a pas d’intérêt. Très difficile, il devient un art. Jesper Juul, professeur à la Royal Danish Academy of Fine Arts de Copenhague, définit le jeu vidéo comme l’art par excellence de l’échec. Il décrit, dans The Art of Failure, le paradoxe inhérent à ce loisir. Ceux qui le pratiquent cherchent, comme tous les êtres humains, à éviter l’échec. En jouant, ils s’y confrontent pourtant. Mais continuent de le faire en sachant pertinemment qu’ils vont ressentir un sentiment qu’ils préfèrent d’ordinaire éviter.
Ce même paradoxe sous-tend la relation du public face à un roman ou un film dramatique. « Ce n’est pas seulement que les jeux ou les tragédies contiennent des moments déplaisants, précise Juul, mais que nous semblons désirer ce déplaisir, même si nous paraissons ne pas l’apprécier. » Cela étant, les deux paradoxes sont voisins, mais pas identiques. Les autres formes d’art permettent une catharsis. Pas les jeux vidéo. « Ils ne nous purgent pas de ces émotions désagréables. Ils les produisent », souligne Juul. En nous plaçant face à nos propres limites, ils nous permettent d’en faire l’expérience en toute sécurité, dans un cadre bien défini. Tout cela n’est qu’un jeu.