Le 16 décembre 1859 s'éteignait
Wilhelm Grimm. Les contes que son frère Jacob et lui avaient rassemblés font partie des plus célèbres récits de la littérature mondiale. Ils prétendirent avoir fidèlement retranscrits de vieilles légendes populaires, En réalité, une grande partie de ces contes ont une origine étrangère, souvent française. Et ils ont été largement retravaillés.
Les contes de Grimm, des textes de seconde ou troisième main
Charles Perrault fut l'une de leurs principales sources d'inspiration. Ils lui empruntèrent
La Belle aux bois dormants,
Le Chat botté,
Le Petit Chaperon rouge,
Cendrillon et
Hänsel et Gretel. Pour le reste, on s'imagine volontiers les frères Grimm arpentant les routes allemandes, s'arrêtant dans chaque auberge, interrogeant les cuisinières, allant à la rencontre du peuple, afin de recueillir des histoires. En fait, ils ne quittèrent presque jamais leur bibliothèque. « Ils n'entrèrent en contact avec les contes que par des intermédiaires, qui les obtenaient eux-mêmes de connaissances. Le texte final est un texte de seconde ou de troisième main » note Ulrich Greiner
dans le Zeit.
Pourquoi leurs Contes ont-ils connu une telle fortune ? « Ils ont su leur donner un ton propre, une unité. Ils ont construit la langue des contes, qui nous semble aujourd'hui si naturelle », explique Greiner. Le principal inventeur de ce ton idéaliste fut Wilhelm Grimm, son frère Jacob considérant ce genre de réécriture comme « non scientifique ».
Un projet nationaliste de promotion de la culture allemande
Wilhelm, pourtant, voulut maintenir la fiction d'une retranscription brute du conte populaire. Dans sa préface, il écrit : « Nous n'avons embelli aucune circonstance, ni aucun trait des légendes. Nous les avons restituées telles que nous les avons recueillies. » Les
Contes s'inscrivaient dans un véritable projet nationaliste de promotion de la culture allemande. Il s'agissait de faire croire en leur pureté originelle. C'était faux à deux titres : d'un côté, ils avaient été enrichis de détails destinés à les rendre plus attrayants. De l'autre, on les avait expurgés de tout ce qu'on jugeait choquant pour un jeune public. « Dans cette nouvelle édition, nous avons pris soin de supprimer toutes les expressions inadaptées pour les enfants », annonçait Wilhelm Grimm dans son avant-propos de 1819.
« En fait, Wilhelm censura dans les histoires tous les détails érotiques. Dans une précédente version de
Raiponce, la grossesse de la jeune fille était mentionnée explicitement. Il n'en fut plus question », indique le critique du
Zeit. Plus de prince dénudé non plus dans le lit de la princesse du
Roi Grenouille. En revanche, la grand-mère du
Petit Chaperon rouge, extirpée vivante des entrailles du loup, fut maintenue.