Petite explication de texte à l’usage des étudiants et des collègues de Laurent Bouvet, professeur des universités en science politique, chercheur et directeur de l’Observatoire de la social-démocratie.
Je persiste et signe, et il me faut dire pourquoi, en priant le lecteur, s’il est intéressé par cette polémique, de juger sur pièce, en consultant
l’article de
L’Expansion publié le 26 janvier dernier.
En chapeau, et en gras,
L’Expansion annonce un entretien avec le « politologue Laurent Bouvet », ce n’est pas moi qui le qualifie ainsi, d’une façon « un rien » péjorative. Je lui suggère de protester auprès du magazine.
Et surtout, je maintiens que les catégories mises en avant dans cet entretien sont néo-marxistes, quelques exemples suffiront à le montrer.
Pour Laurent Bouvet, mai 68 et les années 1970 scellent la disparition du peuple de la scène politique française « avec l’adieu à la classe ouvrière ». Désormais, regrette-t-il, « l’émancipation collective par la lutte sociale est remplacée par l’émancipation individuelle par le droit ». Le PS « remplace le social par le sociétal », et « la gauche parle désormais en priorité à des individus en raison de leur identité et non plus à un ensemble social en raison de sa position dans les rapports de production » – conception « mortifère pour la gauche, car elle va de pair avec l’acceptation d’une société de marché ».
Dans cet entretien, je suis présenté de façon très excessive comme un des inspirateurs d’une alternative « libéral-multiculturaliste », conseiller de Martine Aubry, ce qui est vrai, et de Dominique Strauss-Kahn, ce qui ne l’est pas. J’ignore si Laurent Bouvet connaît ou non mon travail, mais cette façon d’étiqueter sans nuance les individus et leurs orientations est déplorable.
Enfin, Laurent Bouvet me reproche de ne pas avoir lu l’essentiel de son œuvre, certainement décisive, et de m’être contenté de réagir à un entretien qu’il a donné à un magazine. Voilà qui est méprisant pour
L’Expansion et ses lecteurs, à qui il aurait dit autre chose que ce qu’il écrit par ailleurs. Je n’ai pas publié, quant à moi, un article de fond sur la pensée du professeur, j’ai simplement illustré une analyse plus générale, et qui ne lui était pas particulièrement consacrée, en m’appuyant, au passage, sur des propos qu’il a tenus dans l’espace public, et qui ne se limitent pas à une ou deux petites phrases – l’entretien de
L’Expansion occupe trois pages de son site Internet. On attend donc, désormais, que Laurent Bouvet s‘applique à lui-même la règle d’or qu’il suggère : ne jamais citer un texte d’un auteur sans avoir lu l’essentiel de ses autres écrits.
Michel Wieviorka