La saga du baclofène (1)
Publié en avril 2012. Par Bernard Granger.
Remède radical contre l’alcoolisme, le baclofène est une grande découverte médicale. Pourquoi n’est-elle pas reconnue ? (Premier article d’une série.)
Objet d’une controverse scientifique, comme souvent les grandes découvertes en médecine, l’utilisation du baclofène à hautes doses prend de plus en plus de place dans le traitement de l’alcoolisme, au grand dam de l’alcoologie officielle, engluée dans ses dogmes, ses conflits d’intérêts et sa relative impuissance thérapeutique.
Le baclofène a d’abord été développé comme antiépileptique, sans succès, puis il a été commercialisé dans les années 1970 contre les spasmes musculaires, en particulier chez les lésés de la moelle épinière, et dans deux maladie neurodégénératives, la sclérose en plaque et la sclérose latérale amyotrophique. Il est alors considéré comme un médicament sûr, dépourvu d’effets secondaires gênants. Il reste largement utilisé dans ces indications neurologiques.
Au début des années 2000, plusieurs essais en ouvert puis en double aveugle contre placebo ont montré son efficacité à la dose de 30 milligrammes par jour dans le sevrage alcoolique et le maintien de l’abstinence. Il est noté par les auteurs de ces études que l’envie impérieuse d’alcool (craving) est fortement diminuée grâce au baclofène.
Tout change fin 2005 lorsqu’un médecin français ayant travaillé comme cardiologue dans une prestigieuse université new yorkaise, Olivier Ameisen, publie une auto-observation dans laquelle il décrit sa « guérison » de l’alcoolisme, obtenue grâce au baclofène mais à fortes doses, jusqu’à 270 milligrammes par jour. Le baclofène a supprimé chez lui le craving et l’a rendu indifférent à l’alcool.
En 2008, son livre, d’un exceptionnel intérêt, Le Dernier Verre (Denoël) décrit le cheminement l’ayant amené à cette découverte et la popularise. Une étude en ouvert publiée en 2010 par le professeur Olivier Ameisen et le docteur Renaud de Beaurepaire confirme les effets exceptionnels du baclofène pour permettre aux alcooliques d’arrêter de boire, avec sur 60 patients 87 % de bons résultats à trois mois (patients abstinents ou ayant une consommation modérée), pour des doses allant de 15 à 300 milligrammes par jour et une dose moyenne de 145 milligrammes par jour, soit un pourcentage de succès largement supérieur à tous les traitements utilisés auparavant. D’autres études sont prévues pour confirmer par la méthodologie la plus démonstrative, celle des essais en double aveugle contre placebo, la remarquable efficacité du baclofène.
Confirmée depuis par de nombreux autres prescripteurs, cette découverte heurte de nombreux intérêts et devra franchir de nombreux obstacles avant d’être reconnue à sa juste valeur. Elle change la vie de nombreux malades de l’alcool, ce qui ne semble pas suffire ni aux autorités, ni à certains « spécialistes ».
Bernard Granger