Petit éloge de la « moi génération »
Publié dans le magazine Books n° 7, juillet-août 2009. Par Courtney E. Martin.
La question taraude les psychologues : les enfants des années 1980, élevés dans le culte de l’estime de soi par des parents libertaires, sont-ils devenus d’affreux narcisses ? Oui, répond Jean Twenge, qui souligne leur infini égotisme. Non, rétorquent d’autres universitaires, qui nient cette prétendue différence avec la génération précédente. Mais est-ce bien la question ? La jeune essayiste Courtney Martin renvoie tout ce beau monde dos à dos pour se livrer à un plaidoyer raisonné en faveur de sa génération : ce n’est pas parce que les nouvelles technologies favorisent l’exposition de soi que les jeunes d’aujourd’hui sont superficiels et nombrilistes. Ils sont simplement plus désemparés que ne l’étaient leurs aînés face à un monde devenu insaisissable. Facebook, ça fait du bien quand le reste fait mal…
Cette recherche a été menée, en partie, par réaction au travail de la psychologue Jean M. Twenge, auteur de Generation Me. Elle y soutient que l’essor de l’éducation à l’estime de soi des années 1980 et 1990 a donné naissance à des jeunes qui « ont le langage du moi pour langue maternelle (1) ». Et Twenge travaille déjà à un autre livre, au titre encore plus accablant : The Narcissism Epidemic, « L’épidémie de narcissisme » (lire ci-dessous) (2).
Trzesniewski et ses collègues ont mené leur recherche (sur un échantillon bien plus large que celui de Twenge) en Californie,...