La mer est rouge comme une violette

Pour Homère, les visages étaient verts, tout comme le miel et le bois. Ni lui ni les Hébreux ne mentionnaient le bleu du ciel. La perception des couleurs varie-t-elle selon les époques et les régions du monde ?

Dix ans avant de devenir Premier ministre de la reine Victoria, lord William Gladstone fit une découverte étrange dans les textes d’Homère, mais la publication de ses recherches fut accueillie avec une certaine méfiance. C’était en 1858, année où il était parti gouverner les îles Ioniennes en tant que haut-commissaire de la Couronne, et avait adressé un discours en grec ancien à ses sujets italianophones stupéfaits. Pourtant, même si Gladstone était le fou que décrivaient ses adversaires politiques, il avait incontestablement raison de souligner l’usage extrêmement curieux de la couleur qui est fait chez Homère. Gladstone relève, par exemple, l’expression « la mer sombre comme le vin » et remarque que le poète grec utilise l’épithète oinops, « semblable au vin », pour qualifier non seulement la mer, mais également les bœufs. Ioeis, violet (du nom de la fleur), est employé pour qualifier, lui aussi, la mer, mais tout aussi bien la laine et le fer. Chloros, vert, peut s’appliquer au miel, aux visages et au bois. Comment expliquer une perception aussi étrange des couleurs ? Le problème n’est pas...
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À travers le mur du langage. Pourquoi le monde semble différent dans d’autres langues de Guy Deutscher, Heinemann, 2010

ARTICLE ISSU DU N°15

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