Publié dans le magazine Books n° 17, novembre 2010. Par David Runciman.
Dans un livre événement, deux chercheurs anglais pensent avoir démontré que les pays les plus égalitaires sont aussi ceux où il fait meilleur vivre. Espérance de vie, santé, criminalité, niveau d’instruction : tous les indicateurs présentés vont dans le même sens. L’ouvrage est souvent convaincant. Mais, en fin de compte, que vaut la démonstration ? Les auteurs ne semblent pas avoir résisté aux sortilèges de l’utopie.
La thèse de cet ouvrage fascinant et profondément stimulant se résume aisément : les pays riches les plus inégalitaires ont une qualité de vie moindre au regard de tous les indicateurs imaginables ou presque. Ils font pire même quand ils sont plus riches ; le PIB par tête est donc un index du bien-être moins significatif que l’ampleur du fossé entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres de la population (la mesure de l’inégalité utilisée par les auteurs).
Les données fournies par Wilkinson et Pickett sont accablantes. Que le critère retenu soit l’espérance de vie, la mortalité infantile, le niveau d’obésité, le taux de criminalité (1), le niveau d’instruction ou la proportion de déchets recyclés, le constat est le même : plus une société est égalitaire, plus elle est performante. Graphique après graphique, les auteurs montrent que le meilleur critère pour classer les pays en termes de bien-être n’est pas la richesse (ce qui placerait les États-Unis en tête, suivis d’assez près par les pays scandinaves et le Royaume-Uni, tandis...