Publié dans le magazine Books n° 19, février 2011. Par Naomi Daremblum.
Considérer le président vénézuélien comme l’ultime avatar de la gauche révolutionnaire latino-américaine, c’est manquer la nouveauté radicale du phénomène qu’il incarne. Son projet de démocratie directe relève d’une forme inédite de perversion de l’idée démocratique.
Le président vénézuélien Hugo Chávez est entré en politique par une tentative de coup d’État. En 1992, alors qu’il est lieutenant-colonel dans l’armée, il lance à ses camarades, sur une station de radio nationale, un appel à déposer les armes et à se rendre. À en croire la légende qui entoure l’événement, le message n’a pas duré plus d’une minute, mais il a suffi pour conquérir l’imaginaire collectif et propulser Chávez en politique. Le personnage envoûte les Vénézuéliens car il ne ressemble à aucun des dirigeants que le pays a connus. Comme la majorité de la population, Chávez est visiblement d’origine
mestiza (métisse). Il s’exprime avec simplicité mais efficacité dans la langue crue de l’intérieur du pays. Il est jeune, d’allure soignée, instruit, charismatique. Surtout, il assume sa responsabilité dans l’échec du putsch. Dans la vie politique vénézuélienne, personne n’endosse jamais la responsabilité de quoi que ce soit. Le message de Chávez touche une corde sensible chez des citoyens profondément désabusés par des années...