Publié dans le magazine Books n° 21, avril 2011. Par Bee Wilson.
Les fabricants de cosmétiques sont des magiciens. Ils parviennent à vendre à prix d’or des produits qui promettent séduction, jeunesse et beauté. Vaines promesses mais vrai business. Jadis réservés aux nobles, aux acteurs et aux prostituées, ces mélanges d’eau, d’huiles, de colorants et de parfums ont conquis les masses à grand renfort de publicité. Qui y trouve à redire ?
Ma grand-mère Elsie ne supportait pas de regarder les photos de Lady Di. Elle estimait que ce joli visage était gâté par l’épais trait de khôl soulignant les yeux de la princesse. Fait plus bizarre, ce khôl était parfois bleu. Pour Elsie, c’était une forme d’automutilation : « Pourquoi se sent-elle obligée de faire ça ? », demandait-elle, réellement intriguée. Ma grand-mère était née en 1908, deux ans après Madeleine Carroll, l’héroïne blonde du film
Les 39 Marches, qu’elle avait vaguement connue avant sa célébrité. L’actrice se maquillait seulement au-dessus des yeux, ce que ma grand-mère approuvait. Jusqu’au bout (elle est morte en 2003, à 94 ans), la référence d’Elsie en matière de beauté féminine resta Margaret Lockwood, autre star hitchcockienne (excellente dans
Une femme disparaît), dont les paupières supérieures étaient rehaussées de fard noir et de mascara, mais dont les paupières inférieures restaient vierges de tout maquillage. Il y a belle lurette qu’Elsie ne mettait plus son regard en valeur. Néanmoins, lorsqu’elle jugeait les autres, elle s’...