Raisons et déraisons du végétarisme
Publié dans le magazine Books n° 22, mai 2011. Par Mark Rowlands.
Le dernier livre de l’écrivain Jonathan Safran Foer n’est pas du roman. Cette enquête minutieuse repose sur une logique implacable. Manger de la viande est inutile pour la santé, catastrophique pour l’environnement et provoque des souffrances animales inouïes. De quoi vous dégoûter à jamais. À moins que les choses changent vraiment. Mais est-ce concevable ?
Pour des philosophes d’une certaine obédience, il existe une argumentation rationnelle en faveur des droits des animaux. L’éthique ne relève pas des mathématiques ; mais, au regard du niveau d’exactitude et de précision requis pour le raisonnement en philosophie morale, ledit argument est à peu près aussi irréfutable que possible. Reste que les démonstrations morales irréfutables se heurtent à un obstacle : il est difficile d’y intéresser les gens. Dans Méditations sur la vie (1), le philosophe américain Robert Nozick s’amusait à imaginer l’existence d’un argument – non spécifié – si puissant, si absolument incontestable, que le refuser entraîne un orage cérébral et la mort du récalcitrant. Hélas ! l’amère réalité nous l’enseigne, il n’existe pas d’« argument de destruction massive ». Les humains ne sont pas des créatures rationnelles, du moins pas en ce sens ; nous ne réagissons pas bien à l’argumentation logique.
Les images, elles, nous parlent. Le génie du nouveau livre palpitant, affreux et magnifique du romancier Jonathan Safran Foer tient dans sa capacité de s’emparer d’un raisonnement...