La vertu contrariée de Raymond Chandler
Publié dans le magazine Books n° 27, novembre 2011. Par Pico Iyer.
Avec ses costumes de tweed, sa pipe et son éducation britannique, le géant du polar est resté toute sa vie étranger à Los Angeles, où il vivait avec une femme qui aurait presque pu être sa mère.
L’école privée britannique traditionnelle prépare habilement ses pensionnaires à affronter (ou à conquérir) le monde, mais nullement cette moitié du monde qu’on appelle l’autre sexe. Ces garçons auxquels on apprend à donner ou recevoir des ordres, et à promener leur singulier mélange de stoïcisme et de camaraderie jusqu’en Afghanistan, ne reçoivent aucun enseignement sur l’art et la manière de se comporter avec cette force étrangère qui les attend chaque soir à la maison. Une bonne partie de la littérature anglaise du XXe siècle est l’œuvre des rejetons de ces institutions moitié militaires et moitié monastiques, peut-être parce que l’autodiscipline et la persévérance comptent parmi les compétences qu’elles inculquent. Le résultat est un formidable corpus de livres écrits par des hommes qui semblent à la fois fascinés et perturbés par les femmes.
Servitude humaine, de Somerset Maugham, pourrait être considéré comme l’archétype de cette tradition. Voilà un étudiant en médecine, affligé d’un pied bot et peintre à ses heures, qui est si résolu à agir de façon chevaleresque et si peu averti de la...
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