Publié dans le magazine Books n° 27, novembre 2011. Par Jan Fleischhauer.
En combien de temps un homme normal devient-il une machine à tuer ? Quelques jours, tout au plus. C’est l’enseignement troublant d’un document exceptionnel : le recueil des conversations de soldats allemands prisonniers entre 1939 et 1945.
Le 6 mars 1943, deux soldats allemands parlent de la guerre. Budde, le pilote de chasse, et Bartels, le sous-officier, ont été faits prisonniers par les Anglais quelques semaines auparavant. Pour eux, les combats sont finis, et le temps est venu d’échanger leurs souvenirs :
« Budde : J’ai participé à deux raids aériens, on a bombardé des maisons.
Bartels : Tu parles de bombardements stratégiques, comme nous, avec des cibles précises ?
Budde : Non, des bombardements au hasard, pour déstabiliser l’ennemi. On prenait la première cible venue, des villas sur une colline par exemple. Tu vois, on les survole comme ça et tout à coup, pssssst, on fond dessus, les fenêtres explosent, le toit s’envole. Une fois à Ashford, sur la place du marché, il y avait un attroupement, des tas de gens, des discours… bah, je peux t’assurer qu’on les a pulvérisés ! C’est très amusant ! »
Les pilotes Baümer et Greim ont eux aussi vécu de beaux moments, comme ils se plaisent à le raconter :
« Baümer : On a fait installer à l’avant de l’avion un canon de deux centimètres. On volait en rase-mottes, et quand on croisait des voitures,...