Publié dans le magazine Books n° 34, juillet-août 2012. Par Graham Robb.
Héritiers du mépris hugolien, nous avons gardé de « Napoléon le Petit » l’image d’un être médiocre, ridiculement imbu de lui-même, inefficace et dictatorial. Mais cet homme ordinaire n’aurait pu gouverner plus de vingt ans s’il n’avait été aussi rusé, habilement populiste, et héroïque à ses heures. Il n’est tombé que pour avoir trop cru en son destin.
Le 5 août 1840 au matin, un paquebot à vapeur affrété par un Français franchit le London Bridge. Les propriétaires de l’
Edinburgh Castle s’étaient montrés étonnamment peu curieux de son utilisation. La veille, on avait pourtant monté à bord des armes et des munitions, une pile de proclamations, une importante somme d’argent, une soixantaine d’uniformes et des chevaux. Quant aux passagers, même habillés en civils, ils ne partaient manifestement pas en pique-nique.
L’
Edinburgh Castle met le cap sur Gravesend, où l’on achète sur le quai un vautour apprivoisé. Puis il traverse la Manche jusqu’au port de Wimereux, à cinq kilomètres au nord de Boulogne. Là, les soixante hommes revêtent leur uniforme et marchent sur la caserne du 42e régiment, précédés du drapeau tricolore et du volatile promu aigle impérial. Il est cinq heures du matin. L’un des membres de l’expédition, qui est lieutenant dans ce régiment, fait réveiller et rassembler les soldats, puis proclame son chef, le prince Louis Napoléon, neveu de Napoléon Bonaparte, nouveau souverain de la France. Quelques « Vive l’...