Témoignage : « La solitude choisie berce et console »
Publié dans le magazine Books n° 36, octobre 2012. Par Susan O. Weisser.
Une spécialiste de la littérature romantique retrace l’évolution de sa propre relation d’amour-haine à la solitude, depuis l’enfance jusqu’à l’orée de la vieillesse.
Je pense parfois être née solitaire. Mes premiers souvenirs de solitude, quand j’étais très jeune : un vide qui ne pouvait se combler que de l’extérieur, l’effrayant sentiment d’un manque qui me faisait frémir. Comme l’ont écrit les psychologues Eric Ostrov et Daniel Offer, « la solitude est un sentiment de privation qui nous fait nous tourner vers l’extérieur, avec douleur mais espoir aussi, pour y trouver satisfaction (1) ».
Du plus loin que je me souvienne, ma mère était comme une balise lumineuse, et sa chaleur, le préalable à tout. Je savais que je n’étais vraiment vivante que lorsque j’étais en contact physique avec elle, ses bras autour de moi ou ma tête dans son giron. Mais ce qui domine dans mon souvenir, c’est l’absence de cette sensation, la frustration, le désarroi. Comme je grandissais, elle était toujours en train de s’affairer à la cuisine – la viande, les...