Publié dans le magazine Books n° 44, juin 2013. Par Colin Dickey.
Y a-t-il une grande différence entre acheter à prix d’or quelques cheveux de Michael Jackson et, comme en étaient accusées les sorcières, aller en prélever sur la tête des pendus ? Si une importante avancée médicale est due à la pensée magique et non à la méthode scientifique, faut-il la récuser ? Tolérée par les Anciens, diabolisée par les chrétiens, la superstition a des vertus que la raison ne connaît pas.
En septembre 1863, un journal local du Somerset, en Angleterre, publia un article à propos d’un couple de Taunton dont l’enfant avait été frappé par la scarlatine. Terriblement familier, le fait lui-même ne méritait pas l’attention – ce sont les remèdes proposés qui ont défrayé la chronique. Les parents affolés avaient en effet demandé conseil à un groupe de femmes, et ce « jury de matrones », pour reprendre l’expression de la gazette, s’accorda à dire qu’il n’y avait aucun espoir de survie. Elles suggérèrent donc plutôt les moyens d’éviter à l’enfant une « épouvantable agonie » : ouvrir les portes, tiroirs, placards et coffres de la maison, dénouer tous les nœuds – dans un lacet, un cordon de rideau, une ceinture de tablier – et ôter les clés des serrures.
En 1707, Taunton avait été le théâtre de l’un des derniers procès en sorcellerie d’Angleterre, et si le journal ne qualifiait pas franchement ces matrones de sorcières, un lecteur citadin aurait probablement oscillé entre perplexité et consternation en découvrant la survivance de ces superstitions antédiluviennes dans les petites bourgades du pays. Les rituels domestiques pré...