Une dictature consommée
Publié en mars 2025. Par Books.
À l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Franco, l’historien Julián Casanova en propose une nouvelle biographie. Au lieu de se concentrer uniquement sur le personnage, il replace son histoire dans le cadre de celle de l’Europe et des États-Unis. Une approche qu’il qualifie de « télescopique », nouvelle en Espagne. La grande question est de savoir pourquoi ce dictateur sanguinaire a pu maintenir son emprise pendant quatre décennies. « Il n’était pas un militaire extraordinairement doué », explique l’historien dans un entretien sur le site d’information Eldiario.es. Contrairement à Hitler et Mussolini, il n’était pas non plus un orateur charismatique. Mais il a su organiser « le culte de son pouvoir et de sa personnalité ».
Et puis il a eu de la chance. En 1936, Manuel Azaña, le président de la République, le relègue aux îles Canaries, espérant ainsi l’éloigner de la scène espagnole. Grave erreur : de là, il passe au Maroc, où se trouvent les forces de choc les plus efficaces et les plus sauvages de l’armée espagnole. C’est au Maroc que Franco écrit à Hitler pour lui demander de l’aider à faire entrer les troupes en Espagne. Un coup de maître qui marginalise son principal concurrent, le général Emilio Mola. Celui-ci mourra en 1937 dans un accident d’avion. Contrairement à Staline, Franco n’a pas eu besoin de tuer ses rivaux, tous décédés en diverses circonstances. Dans ce pays très catholique, il a aussi, dès le départ, bénéficié du soutien de l’Église. Il a su habilement rester à l’écart de la Seconde Guerre mondiale et son anticommunisme viscéral lui attirera plus tard les bonnes grâces des États-Unis, sans lesquels son régime n’aurait peut-être pas survécu. Quant au fond de sa personnalité, « nous en savons très peu, dit Julián Casanova. Nous n’avons pas de lettres ni de conversations. Il parlait de lui à la troisième personne et était très distant de ses amis. » Il est mort dans son lit et fut enterré comme un pharaon. Il continue d’être célébré par Vox, le parti espagnol d’extrême droite.