Au cœur de la Révolution culturelle
Publié dans le magazine Books n° 45, juillet-août 2013. Par Renaud de Spens.
« Les éléments déjà bien connus seront traités aujourd’hui dans l’après-midi, ce soir et demain matin. Que faire demain après-midi ? Brandir haut le magnifique étendard rouge de la pensée de Mao Zedong… » Le journal d’un fonctionnaire chinois témoigne, paradoxalement, de l’étouffement de l’intime dans la Chine maoïste.
Gao Xingjian, prix Nobel de littérature, raconte dans Le Livre d’un homme seul comme il était dangereux de rédiger un texte personnel sous le totalitarisme maoïste : sa femme, jeune mariée, découvrant ses écrits parsemés de doutes et de réflexions personnelles, s’était empressée de le dénoncer aux autorités. Si l’on trouve aujourd’hui de nombreux documents rassemblant des souvenirs sur cette période, les publications de notes rédigées à l’époque sont beaucoup plus rares. Lorsque l’internaute Alamu découvre en 2010 un carnet datant de 1969 dans une brocante, il prend la peine d’en scanner les dix premières pages, d’en dactylographier le contenu et de le rendre public sur la Toile sinophone. L’objet a appartenu à un fonctionnaire anonyme qui instruisait le procès d’un cadre provincial accusé d’être en partie responsable de la catastrophe du Grand Bond en avant. L’importance historique du document apparaît immédiatement : il traite de l’affaire de Xinyang, qui fait l’objet du premier chapitre de Stèles, le monumental ouvrage de Yang Jisheng consacré aux quelque trente-six millions de...
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