Y a-t-il encore des adultes ?
Publié en janvier 2025. Par Books.
Nous le constatons tous, les frontières entre les âges de la vie ont fortement tendance à s’estomper. Sympathique à certains égards, cette évolution est en réalité des plus fâcheuses, estime le criminologue Keith Hayward. Le problème joue dans les deux sens : les adultes sont traités et se voient de plus en plus comme des jeunes, et les jeunes sont de plus en plus traités comme des adultes. Comme en témoigne entre autres phénomènes le film Barbie, Hollywood mise à fond sur une tendance dont rend bien compte l’expression américaine « aging backwards », que l’on pourrait traduire par « vieillir à reculons ». Les marchands en ligne nous appellent désormais par notre prénom, les vieillards circulent en patinette, les étudiants aiment être traités comme des gosses à protéger contre les idées dérangeantes et le marché de l’« esthétique médicale », dominée par les traitements anti-âge, devrait passer de 82 à 143 milliards de dollars dans les cinq prochaines années. En sens inverse, les bébés, dès qu’ils marchent, sont abreuvés de contenus lestés d’idéologie politique, Greta Thunberg est présentée comme une experte en climatologie et les tribunaux ne savent plus très bien où situer l’âge auquel on peut être jugé pleinement responsable de ses actes, fussent-ils de nature terroriste.
Les racines du mal ? Une société dans laquelle « les adultes sont incités à développer et cultiver un sentiment de vulnérabilité, cela se combinant avec un attirail narcissique fait de complaisance et d’apitoiement envers soi-même », résume un contributeur anonyme sur le site Grey Goose Chronicles. « Quand la société agit de façon aussi hypocrite, écrit Hayward, en “adultifiant” d’un côté et en infantilisant de l’autre, elle joue un jeu de duplicité des plus dangereux », capable à la longue de miner la démocratie elle-même. Hayward pousse peut-être le bouchon un peu loin, écrit The Economist, car il se pourrait que l’ubiquité des nouveaux médias rende aujourd’hui beaucoup plus visible une réalité déjà présente à l’époque des baby-boomers.