Partager l’endurance
Publié en novembre 2024. Par Books.
Le Vendée Globe est l’exemple extrême du sport d’endurance en solitaire. Dans le genre, le moins extrême et le plus courant est le jogging. L’anthropologue social Michael Crawley, lui-même un grand sportif (course et vélo), fait ici l’éloge du sport d’endurance à plusieurs. « Courir seul, c’est juste pour la santé, lui dit un athlète éthiopien. Pour en sortir transformé, il faut courir avec d’autres. » Pour son livre précédent, Out of Thin Air, Crawley avait passé quinze mois à s’entraîner en groupe sur les plaines et les montagnes d’Éthiopie. Dans To the Limit, il poursuit son travail d’entretiens avec quantité d’athlètes. Le sport d’endurance à plusieurs produit selon lui le même type d’« effervescence collective » que Durkheim attribuait à la religion : « une intensification d’expérience partagée et d’énergie émotionnelle, renforcée par le mouvement rythmé du corps ». Ces entretiens drainent inévitablement pas mal de clichés, remarque Kate Hext dans le Times Literary Supplement. Mais beaucoup d’histoires sont impressionnantes, comme ce champion qui a terminé sa course alors qu’il avait des os du pied brisés. Crawley met aussi en garde contre la mode des bidules techniques portables, du genre montre contrôlant le rythme cardiaque, car ils ont leurs limites et, en encourageant une confiance excessive dans les données chiffrées et les instructions, « renforcent la conception de l’endurance comme une quête individuelle, presque narcissique ».