Le siècle d’or d’Anvers
Publié en octobre 2024. Par Books.
La célèbre tour de Babel peinte par Bruegel l’Ancien impressionne par son architecture surréaliste avant l’heure en forme de spirale. À l’instar de ses contemporains, le peintre associait cet épisode de la Bible à l’extraordinaire expansion de la ville d’Anvers au cours du XVIᵉ siècle. « Le commerce du monde entier » se trouvait dans cette ville, selon l’expression du diplomate vénitien Bernardo Navagero. Un essor dû à l’ensablement du Zwin, ancien bras de la mer du Nord, vers 1500, qui avait rendu Bruges inaccessible par bateau, faisant d’Anvers le port commercial le plus important d’Europe. On pouvait y acheter de tout : de la laine anglaise, des épices, du papier, des pierres précieuses, de la soie, du sucre, de l’ivoire, de l’or, de la porcelaine chinoise, du vin et bientôt des livres…
Dans un ouvrage qui vient d’être traduit en français, Michael Pye, historien et journaliste britannique, explore « les années fastes » d’Anvers : « ces quelques décennies fugaces pendant lesquelles elle a brillé de mille feux », souligne The London Review of Books. Un succès surprenant, car Anvers n’avait pas de cour, ni d’évêque, ni de dynastie régnante. « Une tolérance pragmatique » faisait de cette ville cosmopolite un endroit propice aux affaires. C’est là que prend racine la financiarisation de la vie, et qu’apparaît, en 1531, la première bourse au sens moderne. Le vent tourne dans les années 1560, avec l’avènement de la Réforme. « Les ingrédients magiques qui faisaient le succès d’Anvers se sont dissous rapidement », écrit The Guardian. En 1585, la ville est mise à sac par les troupes de Philippe II d’Espagne. Vers 1600, les rues sont quasi désertes. Les forces vives ont fui vers le nord. Amsterdam devient le nouvel Anvers.