L’amour sous les bombes
Publié dans le magazine Books n° 48, novembre 2013. Par Nicholas Shakespeare.
On connaît l’héroïsme des Londoniens face aux bombardements allemands, pendant le Blitz. On sait moins à quel point la proximité de la mort a alors stimulé leur libido. Cinq écrivains en témoignent dans leurs souvenirs.
Une amie biographe m’a raconté un jour la confidence que lui fit sa mère, une femme discrète et peu encline aux épanchements, à la fin de sa vie. Un soir qu’elle revenait de Berkeley Square, pendant les bombardements de Londres, son regard avait croisé celui d’un soldat américain. Sans un mot, ils avaient traversé la place, marché jusqu’à un hôtel, monté les escaliers, puis étaient entrés dans une chambre pour faire l’amour. Et ne s’étaient jamais revus.
« Pour rien au monde je n’aurais manqué l’expérience de vivre à Londres pendant la guerre », écrivit en 1948 la romancière irlandaise Elizabeth Bowen. « Ce fut la période la plus intéressante de ma vie. » Cinq années durant, le vrombissement angoissant des bombardiers allemands dans le ciel fut l’équivalent de la musique de Wagner dans Apocalypse Now : le signe annonciateur d’une conflagration nocturne, à l’image de celle qui se produisit le 16 avril 1941, provoquant 2 250 incendies, la destruction de 100 000 maisons et 1 180 morts. Mais, pour ceux qui en réchappaient, les bombardements avaient pour effet de suspendre le temps.
Tout d’un coup, « chaque instant acquérait une intensité enivrante...
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