Les religions comme marques

Les économistes s’intéressent à tout, même aux religions. Témoin le dernier livre de Paul Seabright, l’un de nos plus distingués immigrés, qui enseigne à la Toulouse School of Economics. Le sujet est sérieux : en 2016, rien qu’aux États-Unis, le chiffre d’affaires des organismes liés à la religion était estimé à 378 milliards de dollars, soit plus que le chiffre d’affaires combiné d’Apple et de Microsoft, rapporte The Economist. Si les religions se prêtent bien à l’analyse économique, c’est qu’elles offrent un produit (le salut, entre autres), ont un réseau de fournisseurs (prêtres, imams…) et entretiennent de bons réseaux de distribution, observe le magazine. La concurrence qu’elles se livrent relève de celle des marques. On voit les marques dominantes (christianisme, islam…) remplacer les petites religions locales comme les grandes enseignes (Walmart et autres Carrefour) remplacent les boutiques locales. Elles offrent aussi une belle uniformité de service. De ce point de vue, l’Église catholique rappelle McDonald’s. 


Seabright compare les religions aux « plateformes » numériques mises en place par les grandes entreprises pour fidéliser leurs clients et en recruter de nouveaux. Mais des plateformes particulières, dans lesquelles les clients (les fidèles) payent pour un double service : celui rendu à eux-mêmes et celui rendu à la communauté à laquelle ils appartiennent. 


L’économiste introduit son livre en présentant un personnage symbolique, une jeune Ghanéenne qui, « en dépit de sa pauvreté, fait des dons généreux à son église locale, dont le pasteur “conduit une grande Mercedes et arbore une ceinture avec une large boucle ronde décorée avec le motif du dollar” », relève Sascha O. Becker dans le Journal of Economic Literature. « Elle dépense plus pour son église que pour tout autre bien que sa nourriture et perdrait les liens sociaux ainsi constitués si elle passait à une autre église ». Il cite Seabright : « La communauté est un bienfait, mais elle peut aussi vous enfermer ». 


L’auteur, qui n’est pas croyant, en profite pour évaluer l’évolution de la sécularisation. Contrairement à d’autres, il ne croit pas à la disparition des religions. Elles vont « continuer à pourvoir à de réels besoins humains mieux que la plupart des alternatives disponibles », écrit Becker.

LE LIVRE
LE LIVRE

The Divine Economy: How Religions Compete for Wealth, Power, and People de Paul Seabright, Princeton University Press, 2024

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