Publié dans le magazine Books n° 51, février 2014. Par Volker Ullrich.
Ayant fait disparaître presque tous les documents le concernant, l’homme Hitler a été négligé par les historiens. La découverte de nouvelles archives permet enfin de mieux approcher cette personnalité jugée impénétrable, même par ses proches collaborateurs. S’y révèlent un acteur consommé et un psychologue machiavélique aux antipodes du « dément » aux colères irrationnelles que l’on se plaît à décrire.
Adolf Hitler, 1936, Bundesarchiv, Bild 146-1990-048-29A / Heinrich Hoffmann
En novembre 1938, deux semaines après la Nuit de cristal – au cours de laquelle des synagogues avaient été incendiées sur tout le territoire du Reich –, le nouvel ambassadeur de France en Allemagne se rendit au Berghof sur l’Obersalzberg, la résidence secondaire du Führer, pour lui remettre ses lettres de créance. Robert Coulondre se souvient, une décennie plus tard, qu’il s’attendait à trouver un Jupiter tonnant dans son château. Au lieu de cela, il fit la rencontre d’« un homme simple et doux, presque timide, dans sa maison de campagne ». Le diplomate en fut tout décontenancé. « J’avais entendu à la radio la voix rauque, criarde, menaçante, revendicatrice du Führer et je me retrouve face à un Hitler à la voix chaleureuse, calme, amicale. Lequel était le vrai ? Ou l’étaient-ils tous deux ? »
Une étrange question, nous semble-t-il aujourd’hui. Car nous savons, et jusqu’à la nausée, qui était cet homme, responsable d’avoir massacré des peuples entiers et précipité le monde dans une guerre qui fit des dizaines de millions de morts. Nous avons tout lu, tout vu sur lui.
Et pourtant. Ce personnage historique, presque soixante-dix ans aprè...