Le mal vient-il de l’Est ?
Publié en mars 2024. Par Books.
Cela fait plus d’une génération que le Mur de Berlin est tombé. Mais le clivage demeure entre l’ex-RDA et le reste de l’Allemagne. La preuve par l’ouvrage de Dirk Oschmann, « L’Est : une invention ouest-allemande », et les réactions qu’il a suscitées. Oschmann, professeur de littérature allemande à l’université de Leipzig, montre, d’après les mots de son éditeur, que « l’Ouest se définit toujours comme la norme et considère l’Est comme une déviance. Nos médias, notre politique, notre économie et notre science sont dominés par des perspectives ouest-allemandes. »
Il n’en fallait pas plus pour s’attirer les foudres d’une bonne partie desdits médias, la palme revenant peut-être au Süddeutsche Zeitung. Le quotidien compare Oschmann au personnage joué par Sylvester Stallone dans Demolition Man, cryogénisé pendant des décennies et qui se réveille dans un monde qu’il ne comprend plus. D’une façon générale, on reproche au livre ses outrances.
Mais cette hostilité n’est-elle pas le signe qu’Oschmann a touché un point sensible ? C’est ce que se demande Claudia Schwartz dans le Neue Zürcher Zeitung, journal qui a l’avantage d’être « neutre », si l’on peut dire, puisque suisse. Schwartz rappelle que dès les années 1990, des intellectuels ouest-allemands parlaient, pour qualifier les Allemands de l’Est, de « race d’êtres humains détraqués ». Et que, depuis trente ans, les grands journaux comme le Spiegel se moquent d’eux régulièrement. L’idée sous-jacente est que le régime communiste en aurait fait des gens différents : étriqués, racistes, responsables de la monté de l’extrême droite. Pas de chance, note loyalement Tobias Rüther dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, lors des récentes élections, « l’extrême droite est devenue la deuxième force politique en Hesse et la troisième en Bavière », deux Länder de l’Ouest.