Publié dans le magazine Books n° 55, juin 2014. Par Cass R. Sunstein.
Au début des années 1980, en plein débat sur les limites écologiques de la croissance, deux universitaires se lancent un défi : un flamboyant écologiste médiatique, Paul Ehrlich, parie que la croissance démographique conduira le monde à la pénurie ; un obscur économiste conservateur, Julian Simon, parie que l’innovation résoudra tous les problèmes… Cet épisode méconnu de l’histoire intellectuelle rappelle que les prévisions des chercheurs dépendent parfois davantage de leur idéologie que de leur science.
En 1980, l’écologiste Paul Ehrlich relevait le pari spectaculaire proposé par l’économiste Julian Simon. Soutenant que la croissance démographique provoquerait l’épuisement des ressources de la planète, Ehrlich était prêt à miser sur l’augmentation, au cours de la décennie, des prix de cinq métaux déterminés. Soutenant que les innovations apportées aux méthodes d’exploration, d’extraction et d’utilisation de ces mêmes métaux allaient améliorer l’offre, Simon pariait sur la baisse des cours. Tous deux voyaient dans ce pari un moyen de répondre à une question beaucoup plus vaste : la croissance démographique est-elle un problème grave, notamment par ses effets sur les ressources disponibles ? Ehrlich pensait que oui ; Simon pensait l’inverse. Et ils convenaient que le pari contribuerait à dire le vrai. Mais, depuis plus de trente ans, les observateurs considèrent que d’autres questions étaient en jeu : les conservateurs ont-ils tort de croire que l’innovation et le jeu du marché résoudront nos problèmes ? Les penseurs de gauche ont-ils tort de mettre l’accent sur la protection de l’environnement et les limites de la croissance ? Les écologistes racontent-ils n’...