Publié dans le magazine Books n° 55, juin 2014. Par Jonathan Keates.
Dorés, juteux et parfumés, ils font depuis des siècles les délices des cuisiniers, des parfumeurs et des apothicaires. Une Britannique passionnée d’horticulture retrace l’étonnante histoire de ces fruits mythiques.
On ne connaît aujourd’hui
Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister de Goethe que pour cette phrase, tirée d’une ballade que chante Mignon, la fille d’un musicien ambulant : « Connais-tu la contrée où les citronniers fleurissent ? » Ainsi commence sa mystérieuse chanson, évocation d’un pays rêvé, fait de ciel bleu, de statues de marbre et de cascades grondantes, mais dont la beauté cache une sourde menace. Quand Wilhelm lui demande de quel pays vient sa comptine, Mignon lui répond : « L’Italie ! Si tu vas en Italie, tu me prendras avec toi : j’ai froid ici. »
La chanson imaginée par Goethe exprime au plus haut point l’imaginaire romantique de ce « pays des pays » qu’exaltait Browning. Les agrumes, comme Helena Attlee l’a parfaitement compris, sont la métaphore suprême de l’objet de désir qu’est l’Italie pour nous autres mortels, grelottant du mauvais côté des Alpes. À l’époque de Goethe, les habitants du nord de l’Europe qui en avaient les moyens construisaient d’élégantes orangeries, refuges douillets où les arbres précieux passaient l’hiver, avant que des jardiniers en...