Etgar Keret : « C’est la détérioration de soi qui mène à l’écriture »

Pas facile, en Israël, d’être le fils de rescapés de la Shoah, ces êtres faibles qui contredisent l’ethos de l’État hébreu, et que l’on réduit au statut de victimes pour mieux confisquer leur mémoire.

 
La littérature semble littéralement une question de vie ou de mort pour vous. Je pense à « Soudain, un coup à la porte », où différents personnages frappent chez vous en déclarant « Raconte-moi une histoire ou je te tue »…
Pour moi, ce n’est pas l’inspiration, mais la détérioration de soi qui mène à l’écriture. Disons que vous aimez une jeune fille. Soit elle vous le rend et vous entamez une relation avec elle : soit elle vous rejette et vous écrivez sur cet échec… Si vous êtes avec elle, vous serez trop occupé à l’embrasser pour décrire vos sentiments, vous n’en aurez ni le temps, ni le désir. Écrire – sauf en matière politique – revient à se retirer de la vie. Sur les champs de bataille de l’existence, mon armée a été battue ; mais je peux peut-être remporter une victoire sur le front de la fiction. J’ai rencontré toutes sortes de gens, des millionnaires, des pilotes de chasse, des généraux, me disant qu’ils avaient toujours voulu écrire, qu’ils écriraient un jour. Je leur ai toujours dit que ce ne serait pas...
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ARTICLE ISSU DU N°57

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