Publié dans le magazine Books n° 60, décembre 2014. Par Ioan Grillo.
Dans le Michoacán et le Guerrero, où la population est la première victime de la violence inouïe des narcos, des milliers de citoyens ont pris les armes pour libérer les villages de l’emprise des cartels. Avec succès. Mais qui sont ces vigilantes ? Les héros dont le pays avait besoin, ou les instruments de forces obscures, voire de nouveaux tyrans en puissance ? Reportage dans la zone grise entre justice et vengeance, État de droit et loi de la jungle, armée populaire et milice paramilitaire.
Deux ans après avoir été torturé, il était encore harcelé par la douleur. Les
narcos l’avaient frappé au bas du dos avec une planche en bois, technique qui provoque des hémorragies internes et lèse des organes. Elías ressent la douleur quand il s’assied ou fait des mouvements brusques. Parfois elle le réveille la nuit. Mais la souffrance peut être aussi une source d’énergie, me confie-il. Quand elle le tenaille, il se rappelle pourquoi il veut la justice. Pourquoi il la recherche en portant un gilet pare-balles et une kalachnikov à la main.
Elías, un homme d’âge mûr qui cultivait des citronniers à Antuñez (1), dans l’État du Michoacán, a été torturé par des sbires du cartel des Chevaliers Templiers (2) parce qu’il n’avait pas payé sa « quote-part » du racket. Ils l’ont amené dans une ferme de la sierra et tabassé pendant trois jours, l’abandonnant à moitié mort de faim. Maintenant, c’est lui qui passe au peigne fin ces mêmes collines avec des centaines d’hommes armés et ce sont les
narcos qui fuient pour sauver leur peau.
« Les Templiers savent...