Publié dans le magazine Books n° 61, janvier 2015. Par Charles Shaar Murray.
Sur la 23e rue, à New York, un hôtel coopératif fut dans les années 1960 et 1970 l’épicentre de la scène culturelle américaine. Jusqu’à ce que la drogue s’en mêle.
L’histoire, dit le proverbe, ne se répète pas toujours, mais il lui arrive de rimer. À la fin du XIXe siècle, quand l’architecte idéaliste Philip Hubert conçut le Chelsea Association Building (devenu par la suite célébrissime sous le nom de Chelsea Hotel), New York n’était pas une, mais deux villes superposées. Dans la première, les riches vivaient dans de vastes demeures aux chambres spacieuses ; dans la seconde, les pauvres s’entassaient dans des taudis insalubres. Hubert imagina un immeuble résidentiel coopératif, un havre où artistes et ouvriers pourraient se loger sans se ruiner, dans le confort et la dignité, partageant les coûts d’entretien et la responsabilité de la gestion de l’immeuble. Le Chelsea offrait à ses occupants des salons et des galeries ; son toit était même agrémenté d’une terrasse qui pouvait accueillir des spectacles (Mark Twain y donna un jour une lecture) et permettre aux résidents et aux invités de tous milieux de frayer d’une manière inconcevable partout ailleurs, dans une ville à la stratification sociale rigide. Il s’agissait à l’époque du plus grand édifice résidentiel de...