Publié dans le magazine Books n° 62, février 2015. Par Gustav Seibt.
Johann Friedrich Cotta a publié Goethe, Schiller et les plus grands auteurs classiques allemands. Mais il a fait bien davantage que révolutionner l’édition. Entrepreneur visionnaire, il a fondé un gigantesque empire de presse. Défenseur intéressé de la liberté de circulation des hommes et des idées, il avait ses entrées dans les chancelleries et auprès de tous les puissants du continent. Un ambassadeur méconnu de l’Europe des Lumières.
Lorsque Johann Friedrich Cotta fut surnommé le « Napoléon des libraires », au début du XIXe siècle, il était encore possible de croire que l’empereur des Français menait l’Europe vers un ordre nouveau de paix et de droit. Nous devons la comparaison à l’historien Friedrich Buchholz, une star de l’intelligentsia de l’époque aujourd’hui presque oubliée. Buchholz était un partisan prussien de Napoléon, il attendait beaucoup de l’organisation nouvelle du continent par le premier dictateur moderne. Mais Cotta, l’éditeur de Goethe, Schiller, Herder, Hölderlin, et à l’occasion de Fichte, Kleist, Wieland et beaucoup, beaucoup d’autres, avait peu à voir avec l’« usurpateur » qui avait soumis le continent par la force, la rapidité de décision et, souvent, la ruse. Ses activités ne sortirent jamais du cadre strict de la légalité, restèrent fondées sur son immense crédit personnel et calculées avec le plus grand réalisme ; en même temps, la grande figure qu’il était appartient incontestablement à cette époque d’émancipation bourgeoise et de modernisation triomphante. Cotta, en empereur de l’édition, a conquis le lectorat, dont il a su remodeler le goû...