Un roi sans assouvissement
Publié dans le magazine Books n° 122, novembre-décembre. Par Jean-Louis de Montesquiou.
On ne peut pas reprocher à César de faire dans la demi-mesure. Dans quelque domaine que ce soit, il se montre insatiable : il lui faut plus de pouvoir, plus de titres honorifiques, plus de faste, plus de conquêtes territoriales et féminines. Et l’historien Suétone de s’interroger : d’où lui vient cette ambition stratosphérique ?
Jusqu’à leur prise de fonctions, les dictateurs ont souvent une jeunesse assez plan-plan. Pas Jules César ! Flamine (prêtre) de Jupiter à 17 ans, réfugié politique à 18, guerrier en Asie Mineure à 20, de nouveau exilé politique à 25 ans… César va alors à Rhodes étudier l’éloquence, qui peut toujours servir. Capturé en chemin par des pirates, il négocie sa rançon tout en leur promettant les pires supplices (de fait, à peine libéré il fera crucifier ses ravisseurs, quoique après les avoir fait égorger – admirable preuve de mansuétude selon Suétone, son biographe). César rentre à Rome et vraiment en politique, parcourt à toute vitesse le cursus honorum, conspire à droite à gauche, multiplie les rivaux puis les ennemis, échappe de très peu au lynchage. Pour asseoir sa popularité au sein de la plèbe, il dépense sans compter – monuments, banquets, jeux, combats de gladiateurs… – et noue des alliances. Le sommet de l’échelle, à savoir le consulat, il l’atteint à 41 ans. (Il y a deux consuls à Rome, mais le second, Bibulus, ne fait que de la figuration, tandis que les gens disent en rigolant qu’ils...