« Les systèmes de santé souffrent plus de leur succès que de leur échec »
Publié dans le magazine Books n° 122, novembre-décembre. Par Olivier Postel-Vinay.
Un peu partout, les systèmes de santé sont en crise. Les points communs ? Des usagers qui ne veulent pas payer et des autorités qui réagissent en porte-à-faux face à l’augmentation des coûts. Si l’on veut enrayer le mouvement de désaffection qui touche les hôpitaux, il faut y restaurer un esprit communautaire. Cela exige d’en finir avec quelques mythes : un hôpital ne se dirige pas comme une entreprise, le bénéfice réel n’est pas mesurable, réformer n’est pas gérer, le prix des médicaments peut être contrôlé…
Vous êtes un spécialiste des organisations, reconnu dans le monde entier. Dans votre livre, vous dénoncez un certain nombre de « mythes » concernant les systèmes de santé. Les deux premiers sont paradoxaux : vous dites qu’il n’y a pas de « système » de santé et que partout on parle de « crise », mais que les systèmes de santé ne sont pas en échec…
Une vache est un système ; mon corps est un système : tous les organes fonctionnent de concert. Quand on considère l’organisation des soins, c’est une autre affaire ! Médecins et directeurs se tirent dans les pattes, l’hôpital et les soins de proximité sont mal coordonnés, on investit moins dans la prévention que dans le traitement des maladies, moins dans les maladies chroniques que dans les maladies aiguës, et ainsi de suite. En même temps, les problèmes bien réels des « systèmes » de santé font oublier qu’ils sont un énorme succès. En France, l’espérance de vie était de 45 ans...